Le docteur Thompson, un médecin de campagne, travaille dans un petit village de Cornouailles où sévit une étrange épidémie qui fait périr les jeunes gens. Incapable de trouver la cause de ce mal, il fait appel à son ami le professeur Forbes, qui accepte de venir enquêter dans cette région, accompagné de sa fille Sylvia...
Au milieu des années 1960, la compagnie britannique Hammer a connu une période difficileà force d'avoir tenter de diversifier sa production (par exemples : films de pirates avecLes pirates du diable (1964), thriller avec Cash on demand (1963),aventures avec The brigand of Gandahar (1965)...). Ces films n'intéressaientplus guère les distributeurs américains, et la Hammer s'est donc recentrée rapidementsur les films d'horreur qui avait fait sa réputation (Frankenstein s'est échappé !(1957) et Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher...) dans le cadre d'unpartenariat avec les grandes compagnies américaines 20th Century Fox (distributeur américain) et Warner (distributeur Grande-Bretagne). Le premier des filmsissus de cette collaboration assure le grand retour de Christopher Lee dans le rôle deDracula (qu'il n'avait tenu alors qu'une fois, avec un très grand succès, dans Lecauchemar de Dracula) : c'est Dracula, prince des ténèbres (1966) deTerence Fisher, tourné en cinémascope dans des nouveaux décors construits pourl'occasion (le château de Dracula...). Toujours dans le cadre de ce partenariat, ontrouve deux films tournés, l'un à la suite de l'autre, avec peu de moyens, par la mêmeéquipe : L'invasion des morts-vivants, puis La femme reptile (1966). Dansles deux cas, on a le réalisateur John Gilling (L'impasse aux violences (1959), Lespectre du chat (1961)...), l'actrice Jacqueline Pearce, et les habituels techniciensde la Hammer : le compositeur James Bernard (Le cauchemar de Dracula...), lechef-opérateur Arthur Grant (La nuit du loup-garou (1961) de Terence Fisher...),le décorateur Bernard Robinson (Le cauchemar de Dracula...), le maquilleur RonAshton (La malédiction des pharaons (1959) de Terence Fisher...)... Le rôleprincipal, celui du professeur Forbes, est tenu par André Morell (Le grand alibi(1950) d'Alfred Hitchcock, Le chien des Baskerville (1959) de Terence Fisher, BarryLyndon (1975) de Stanley Kubrick...). John Carson (Une messe pour Dracula(1970) de Peter Sasdy, Capitaine Kronos, tueur de vampire (1973)...) incarne sonadversaire, Hamilton, un rôle qui semble avoir été taillé sur mesure pour...Christopher Lee !
Et, en fait, toute cette intrigue va effectivement impliquer une machinationsurnaturelle. Dans la région, des personnes pratiquent la magie vaudou et créent ainsi des zombies. On voit parfois errer, dans la forêt environnante, despersonnes récemment décédées et enterrées ! Comme dans La malédiction des pharaons(une affaire de momie) ou La femme reptile (histoire de vengeance indienne),la Hammer importe dans le cadre typiquement gothique (en langage rôlistes, on dira"Gaslight") de la campagne anglaise des éléments fantastiques exotiques. Ici,un personnage ramène d'Haïti des formules de magie noire afin de créer des zombiesqu'il fait travailler à son service dans une mine d'étain, soit-disant abandonnée.Toutefois, le point le plus faible de L'invasion des morts-vivants est tout demême son récit assez lent, qui manque terriblement de suspens. L'identité du malfaiteurest déjà claire pour tous les spectateurs dès sa première apparition, et la nature deses manœuvres impies sont rapidement décryptées.
On remarque de très nombreux points communs entre La femme reptile et L'invasiondes morts-vivants. Cela qui n'a rien d'étonnant puisqu'on a vu que les deuxœuvres ont été tournées successivement par la même équipe, et dans le mêmedécor (le château de Dracula, prince des ténèbres transformé en village,avec un cimetière à la place du fameux lac gelé). Ainsi, dans les deux cas, on se renddans un bourg isolé pour enquêter à propos d'une mystérieuse épidémie. Lecimetière lugubre est alors le centre de séquence horrifiques spectaculaires, puis on comprendque tout cela est la conséquence d'une malédiction exotique. Le dénouement se règledans une caverne souterraine, tandis que le grand manoir de la région disparaît dans unvaste incendie final ! Bref, tout cela est archi-classique pour un film Hammer.On remarqueaussi que des insinuations sur l'homosexualité de certains personnages sont disséminésaussi bien dans La femme reptile (une légère touche de saphisme se fait jourdans le comportement du personnage interprété par Jacqueline Pearce) que dans L'invasiondes morts-vivants (Hamilton vit seul dans sa vaste demeure avec cinq costaudsgaillards !).
On retrouve aussi des traits typiques des grands classiques de la Hammer. Ainsi, lecomportement très cruel des hommes de main au service de Hamilton évoque une longuetradition d'aristocrates tyranniques, terrorisant les humbles habitants de petits villagesdans des films de Terence Fisher, comme Le cauchemar de Dracula, bien sûr, maisaussi La nuit du loup-garou (l'infect noble qui jettera une jeune muette dans lageôle d'un dément) ou même Frankenstein s'est échappé ! (le professeurFrankenstein, après avoir culbuté sa bonne, la fait tuer par sa créature !). Ainsi dansL'invasion des morts-vivants, les brutes au service d'Hamilton sèment ledésordre au cours d'un 'enterrement modeste. Ou bien, ils jouent auxcartes pour savoir qui aura le premier le droit de violenter une jeune fille qu'ils ontenlevé alors qu'elle se promenait dans la forêt. Face à ses méthodes de voyous, leprêtre de la région prêche une sinistre résignation : "Nous expions nos pêchés!" donne-t-il comme explication à un jeune homme révolté par le comportement desbrutes d'Hamilton... Le docteur Forbes s'inscrit, lui, dans la tradition du Van Helsingcampé par Peter Cushing dans Le cauchemar de Dracula : intelligent, vif,cultivé, sa qualité la plus utile sera sa capacité à croire au surnaturel, alors queles autres enquêteurs refusent d'envisager une explication magique aux sinistresévènements qu'ils affrontent.
Tout cela est fort bien raconté par la réalisation très compétente et solide de JohnGilling. Certes, le budget est à l'évidence réduit, et le décor de la mine semble toutde même bien étroit. Néanmoins, grâce à un véritable sens du macabre et à laprésence de scènes horrifiques d'une indéniable puissance, Gilling remplit forthonorablement son contrat. Les scènes mettant en scène des zombies sont toutes fortréussies : on pense à la vision démente du zombie ricanant lançant le cadavre d'unejeune femme, aux hordes de zombie errants dans le cimetière (qui annoncent, avec deux ansd'avance, La nuit des morts-vivants (1968) de George Romero), ou la destruction dela mine (les zombies prenant feu dans le sous-terrain annoncent eux, le final infernal de Frayeurs(1980) de Lucio Fulci). La mise en scène de Gilling est d'une grande clarté, maiscela ne l'empêche en rien d'être très élaborée : signalons par exemple lesenchaînements saisissants entre un masque africain et le visage du cadavre d'une jeunefille ; ou encore entre le corps d'une femme gisant morte dans la forêt et une table surlaquelle repose, implacablement alignés, les outils qui seront utilisés pour sonautopsie. Le montage parallèle entre l'enterrement chrétien d'Alice (filmé en planslarges et calmes) et une sinistre cérémonie vaudou (saisis en gros plan avec un vacarmede tam-tam) est aussi un moment très puissant, pratiquement blasphématoire.
L'invasion des morts-vivants est une bonne réussite de plus à mettre au créditde la compagnie Hammer, bien qu'il souffre de certaines lenteurs. Grand précurseur dufilm de zombies, il sera pourtant la seule oeuvre centrée sur ce thème produite parcette compagnie (bien que d'autres films de cette firme montrent des zombies, comme Lessept vampires d'or (1974) de Roy Ward Baker...). En fait, les œuvres mettant enscène de tels morts-vivants seront assez rares dans l'Angleterre des années 1960, et ilfaudra attendre le triomphe mondial du film américain La nuit des morts-vivants pourvoir de tels films se multiplier sur les écrans du monde entier (La révolte desmorts-vivants (1970) de l'espagnol Amando De Ossorio, Le commando desmorts-vivants (1970) de Ken Wiederhorn aux USA...).
Bibliographie consultée :